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On nous a tous dit et répété que l’argent ne fait pas le bonheur. Cet adage se confirme en ce moment dans la frénésie d’embauche qui s’est emparée du marché du travail partout dans le monde.
En grande partie à cause d’une pénurie mondiale de compétences qui existait avant l’arrivée de la COVID-19 et d’une volonté sans précédent de changer d’emploi, les salaires et les primes à la signature atteignent des sommets. Entre août 2020 et août 2021, les offres d’emploi en ligne accompagnées de primes au recrutement – certaines pouvant atteindre 100 000 $ – ont augmenté de plus de 450 %. Pour les meilleurs talents, le marché est favorable aux vendeurs, et beaucoup de gens en profitent.
Mais tout cet argent se traduira-t-il par une satisfaction au travail pour le personnel et par un engagement et une fidélisation pour les employeurs? À ce jour, les résultats sont mitigés.
L’argent fait foi de tout pour de nombreux talents en ce moment
Aujourd’hui, au cours de la deuxième année de ce qu’il est convenu d’appeler « la grande démission », des données commencent à circuler sur les personnes qui passent d’un emploi à l’autre, et sur les raisons qui les motivent. Les premiers résultats remettent en question certaines des hypothèses que nous, dans le secteur des ressources humaines, avons faites sur ce qui est le plus important pour les gens en ce qui concerne le travail.
Les résultats d’un sondage récent mené par le Pew Research Center, l’un des groupes de réflexion non partisans les plus respectés aux États-Unis, révèlent qu’un salaire trop bas est la principale raison des démissions en sol américain en 2021. Cette raison est suivie de près par le manque de possibilités d’avancement et le sentiment de ne pas être respecté au travail.
Dans une certaine mesure, cela marque un changement dans ce que les gens ont le plus à coeur. En effet, pendant de nombreuses années, les travailleuses et les travailleurs désignaient des éléments non monétaires comme étant les plus importants dans la satisfaction au travail, une mesure clé pour prévoir l’engagement et la fidélisation. Aujourd’hui, cependant, l’appât du gain incite beaucoup de gens à revoir leurs priorités.
Et cela donne lieu à de forts sentiments de regret. Selon les résultats d’un nouveau sondage réalisé pour le compte de USA Today et rendus publics presque en même temps que ceux de l’étude Pew, 20 % des personnes qui ont changé d’emploi au cours de l’année écoulée regrettent leur décision parce que, même si le salaire était supérieur, de nombreuses autres facettes de leur nouvel emploi étaient moins intéressantes. Les motifs invoqués par les gens qui regrettent leur décision de changer d’emploi vont de la dégradation de la conciliation vie professionnelle et vie personnelle, à la prise de conscience que le nouvel emploi était bien différent de ce à quoi ils s’attendaient, en passant par le désir de retrouver la culture de leur ancien emploi.
Deux perspectives sur la frénésie d’embauche
Comme dans un tango, dans une frénésie d’embauche caractérisée par des offres de salaires et de primes exorbitants, il faut deux parties consentantes : un employeur qui fait l’offre et une employée ou un employé qui l’accepte. Bien que les deux parties aient leur mot à dire en ce qui concerne les conséquences de la situation, les conséquences ne sont pas les mêmes dans les deux cas.
Considérations pour le personnel
Les recruteurs professionnels ont pu constater que la plupart des gens consacrent plus de temps à effectuer des recherches en vue de l’achat d’une nouvelle voiture qu’à se renseigner à propos d’une offre d’emploi. Cependant, dans le marché du travail volatil actuel, les gens peuvent vivre longtemps avec leur décision de ne pas bien prendre en compte toutes les conséquences potentielles.
1. Que se passe-t-il quand l’attrait de l’argent se dissipe?
Beaucoup d’entre nous se sont fait dire de ne pas se marier pour l’argent, mais bien par amour. Cette même logique devrait peser lourd dans le choix de toute personne qui évalue une offre d’emploi assortie d’une rémunération considérablement élevée. Selon les sondages menés auprès des travailleuses et des travailleurs, l’argent n’est pas le principal facteur de la satisfaction au travail à moyen et à long terme. Des éléments comme la sécurité psychologique, une culture de leadership fondée sur l’intelligence émotionnelle, des possibilités d’avancement professionnel et – surtout en ce moment, alors que la pandémie s’essouffle – des conditions de travail flexibles, seront toujours plus avantageux à long terme. Sacrifiez-vous tout cela pour un gros salaire?
2. Vous exposez-vous au remords de l’acheteur?
Outre les résultats de sondage exposés ci-dessus, qui révèlent que près d’une personne sur cinq regrette sa décision d’avoir démissionné, les recruteurs professionnels commencent à entendre parler d’une nouvelle variante de l’employé
boomerang : un nombre croissant de gens souhaitent réintégrer l’entreprise qu’ils viennent de quitter. La pénurie de personnes qualifiées peut vous donner l’occasion de retrouver votre emploi précédent, mais même si votre ancien employeur vous ouvre la porte, vous verra-t-il du même oeil?
3. Vous exposez-vous à des attentes déraisonnables?
Nous avons tous lu des articles sur des athlètes professionnels qui changent d’équipe devant des contrats faramineux, mais qui ne répondent pas aux attentes des partisans et de l’équipe. De manière similaire, toute personne qui accepte une grosse prime et un salaire excessif verra son rendement au travail jugé en conséquence. Une fois que les recrues prennent conscience de cette réalité, il est possible qu’elles pensent devoir travailler plus longtemps par jour, ou plus de jours par semaine, simplement pour impressionner. Il est aussi possible qu’elles aient l’impression de ne pas pouvoir demander un horaire flexible pour mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Une telle situation peut être acceptable à court terme, mais elle finira par imposer un lourd tribut mental et physique.
4. Entrez-vous dans une porte tournante d’expériences professionnelles?
On a de plus en plus le sentiment que les personnes qui ont sauté sur des offres pendant la grande démission devront, en fin de compte, changer souvent d’emploi avant de trouver le bon. Si la situation actuelle du marché favorise ce type de mobilité, les curriculum vitae qui font état de six emplois en cinq ans finiront par susciter l’inquiétude de certains employeurs. Il faut également tenir compte du fait qu’en cas de correction du marché, et si les employeurs sont contraints de procéder à un rajustement de leur effectif pour s’adapter à la conjoncture économique, les recrues qui ont reçu de grosses primes et augmentations de salaire pourraient être parmi les premières à passer la porte. Ce sera particulièrement le cas pour les recrues qui, bien que compétentes, n’ont jamais été à la hauteur des attentes qui justifient leur rémunération.
Considérations pour l’employeur
1. Les grands avantages monétaires offerts aujourd’hui donneront-ils lieu à un problème de renouvellement du personnel?
Les employeurs doivent se rappeler qu’une personne qui peut être soutirée à une autre organisation pour une simple question d’argent sera probablement prête à replier bagage si quelqu’un met encore plus d’argent sur la table. En d’autres termes, si vous utilisez l’argent comme principal attrait, ne recrutez-vous pas des gens qui seront en permanence en proie à l’errance professionnelle?
2. Risquez-vous de créer un terrain de jeu inégal en matière de rémunération?
La pénurie mondiale de compétences incite les entreprises à surpayer les talents. Il est donc important de prendre le temps de réfléchir aux effets d’une telle stratégie sur les personnes en place. Si les gens apprennent que vous offrez d’énormes primes ou augmentations de salaire pour attirer les meilleurs talents, cela va provoquer un certain malaise et de l’anxiété au sein de votre personnel. Ces offres lucratives peuvent devenir des entraves à la gestion du personnel, en particulier si celui que vous avez commence à exiger l’équité avec les personnes nouvellement embauchées. À tout le moins, une fois engagé dans la guerre d’enchères pour recruter de nouveaux talents, vous allez devoir revoir et ajuster les salaires versés à vos employés actuels – ou risquer de les perdre au profit d’un autre employeur qui est prêt à les surpayer.
3. Êtes-vous prêt à laisser un poste vacant, ou à chercher des candidats au sein de votre organisation, plutôt que de surpayer quelqu’un?
Tout employeur qui est tenté, ne serait-ce qu’un tout petit peu, de surpayer des perles pour les recruter devrait d’abord envisager d’autres stratégies. En vous libérant des contraintes liées à l’expérience professionnelle antérieure, peut-être
pourrez-vous trouver des gens prometteurs ayant moins d’expérience, mais que vous pourrez former? Sinon, pouvez-vous pourvoir des postes clés en interne au moyen du perfectionnement des compétences et d’une réorganisation des ressources?
Dans les deux cas, les investissements dans le perfectionnement des compétences vous vaudront un engagement accru, une meilleure productivité et, en définitive, une plus grande fidélité. Tant et aussi longtemps que durera la grande démission, il ne faudra pas sous-estimer la fidélité.
4. Pouvez-vous faire preuve de créativité et chercher des avantages non monétaires à offrir pour recruter des talents?
Il y aura toujours un bassin de candidats qui regarderont autre chose que le salaire au moment de chercher leur prochain emploi. Prendre le temps qu’il faut pour trouver des personnes qui ont d’autres motivations peut s’avérer très payant, tant dans l’immédiat qu’à long terme. Vous pouvez trouver ces personnes en offrant un large éventail d’avantages non monétaires, tels que des possibilités de travail en mode hybride, un encadrement et un mentorat, des affectations enrichies et des formations. Si l’attrait de l’argent peut être éphémère, ces avantages non monétaires peuvent créer de véritables relations à long terme entre l’employeur et le personnel.