
09 juin 2021
Les recrutements stratégiques seront maintenus dans la gestion
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Dans un entretien à NewsManagers, Delphine Dubreuil, partner et co-head of financial services practice France et Suisse d’Odgers Berndtson, fait le point sur les recrutements dans la gestion d’actifs sur ce début d’année marqué par la crise du Covid-19.
Avez-vous constaté un coup d’arrêt des recrutements dans les sociétés de gestion depuis le début de l’année ?
Le premier semestre 2020 a été coupé en deux. Du 1er janvier au 17 mars, nous avons connu une période d’activité normale, voire active, compte tenu de jeux de chaises musicales de gérants seniors et de la recherche permanente de vendeurs d’exception. A partir du 16 mars, tant dans la gestion traditionnelle que le private equity, les projets initiés avant le confinement ont été poursuivis sans être remis en cause. Nous n’avons pas été confronté à un gel des recrutements pour les postes seniors.
Comment voyez-vous évoluer les recrutements ?
Il est un peu tôt pour se prononcer. Nous ne sommes ni euphoriques, ni alarmistes. Les recrutements stratégiques seront maintenus tels que ceux relatifs aux systèmes d'information, au digital, à la conformité ou aux postes de membres du comex. Certaines organisations vont décréter un gel des recrutements. D’autres, plus agiles, vont essayer d’en tirer profit et d’attirer des "top guns".
Pour revenir à cette période de confinement, comment avez-vous travaillé ?
Nous avons fait tout ce qui était possible de faire en visioconférence. Le retour au bureau marque quand même un événement majeur. Refaire des entretiens en présentiel est bien supérieur à la visioconférence. L’étape suivante sera de rencontrer à nouveau nos clients. La prospection active de nouveaux clients a été totalement stoppée durant ces mois et même après le 11 mai.
Quels étaient les profils recherchés en tout début d’année?
Nous avons été mandatés pour de nombreuses missions concernant des gérants de fonds sur des sujets très précis, plutôt sur des investissements qui permettent de se diversifier et de créer une alternative aux placements traditionnels dans un contexte de faiblesse des taux : dette privée, private equity, infrastructure, immobilier mais également tout ce qui a trait à l’IT et à la digitalisation.
Nous avons aussi constaté une reprise des demandes pour des fonctions commerciales, alors que cela s’était tassé depuis un an ou deux. Cela a concerné le private equity et l’asset management. Enfin, côté private equity, nous avons travaillé sur des sujets de suivi ou de reporting sur les investissements, de valorisation de portefeuilles, de suivi de participations…
Constatez-vous une flambée des demandes sur des profils ESG?
Oui, c’est un sujet très à la mode, et qui relève d’obligations réglementaires. C’est également une attente des investisseurs. Cette demande va se développer dans les années qui viennent et cela entraînera un développement des compétences, un peu sur le même modèle que ce qui s’est passé sur les sujets de compliance ou de conformité. Par le passé, les postes de compliance ou de conformité correspondaient souvent une évolution interne. Aujourd’hui, c’est un métier à part entière, avec des formations, des écoles dédiées... Il y a une professionnalisation de plus en plus forte de ce métier. Sur l’ESG, le climat ou l’ISR, on est en train d’assister au même phénomène.
Comment le nouvel environnement va transformer les besoins des sociétés de gestion dans les mois qui viennent ?
Cet épisode Covid accentue et accélère les tendances que nous constations depuis déjà quelques temps dans le secteur de la gestion d’actifs : la recherche de rentabilité, le besoin de diversification, de liquidité, de renforcer les contrôles des risques… La crise va sans doute pousser des sociétés de gestion à fusionner avec d’autres ou intégrer desensembles plus vastes parce qu’elles n’arriveront plus à trouver un modèle d’affaires viable. Les petites sociétés de gestion avec peu d’actifs et des gammes peu adaptées vont avoir du mal à passer le cap. Celles qui sont capables d’aller chercher de la diversification, d’offrir à leurs clients des garanties de liquidité, qui sont créatives, vont s’en sortir. Les sociétés de gestion qui font de la gestion de produits garantis, de la gestion passive, vont se renforcer, car ce sont des activités très industrialisées, vers lesquelles les investisseurs vont se tourner par défaut.
Et en matière de recrutements?
De notre point de vue, les profils très brillants, différenciants, capables de réorganiser une ligne de métier, d’amener des idées qui vont permettre de passer le cap de la crise, vont être très recherchés. En revanche, les recrutements de profils moins différenciants seront différés. Il pourrait y avoir des compétences intéressantes à récupérer dans les structures qui n’ont pas la taille critique.
Votre métier de chasseur de têtes va-t-il évoluer, ou allez-vous retrouver vos habitudes passées?
Notre métier a déjà commencé à évoluer. Nos clients nous confient désormais d’autres prestations que la simple chasse de têtes, comme l’évaluation d’équipes ou de profils de dirigeants dans le cadre de réorganisations ou d’évolutions d’activités. Nous travaillons aussi sur le recrutement de membres non exécutif de board, car les sociétés de gestion recherchent désormais des compétences très spécifiques pouvant leur apporter des connaissances sur certains sujets. Par exemple, il devient vital pour les sociétés de gestion de recruter au moins un administrateur qui soit compétent en matière d’évaluation des risques ou de suivi des risques. Elles s’attachent aussi à respecter une certaine diversité, ce que nous devons prendre en compte.