
23 oct. 2015
Points de vue de dirigeants: Richard Peddie
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Ancien président et directeur général de Maple Leaf Sports & Entertainment
Richard Peddie tire une grande fierté de sa capacité à diriger en se fondant sur des valeurs fondamentales et à stimuler la valeur de l’entreprise. Que ce soit à titre de président de Hostess, de Pillsbury, de Skydome, de NetStar ou de Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE), son but était toujours de stimuler autant que possible la valeur financière de ces entreprises en leur donnant une direction stratégique claire et en mettant systématiquement en pratique des valeurs d’entreprise et des valeurs personnelles solides.
Plus récemment, Richard Peddie a occupé le poste de président et directeur général de MLSE pendant quatorze années fort occupées. Construction du Centre Air Canada, lancement de Leafs TV et de Raptors TV, achat de GolTV, implantation de la Major League Soccer au Canada et construction du Maple Leaf Square, un projet de 500 millions de dollars : il a poussé la croissance de cette entreprise, en faisant passer la valeur de 300 millions à 2 milliards de dollars.
M. Peddie aborde quelques-uns des conseils qu’il donne dans son nouveau livre, 21 Leadership Lessons, Successes, Failures & Discoveries from a Life in Business & Sports, en vente dans les librairies et en ligne dès le 24 octobre.
Vous avez grandi à Windsor, en Ontario. Jouiez-vous souvent des rôles de chef lorsque vous étiez jeune? Est-ce que le fait d’avoir été capitaine de la patrouille de sécurité, en huitième année, a été la rampe de lancement de votre carrière en gestion?
Avec le recul, j’imagine que oui, c’est le cas. C’est drôle, j’ai souvent repensé à la façon dont je dirigeais la patrouille de sécurité et je ne crois pas que j’étais très doué, comme chef! J’étais plutôt du genre dictateur, si je me souviens bien! En fait, mon secondaire a été une période plutôt creuse pour moi, du point de vue du leadership. Je n’ai jamais même tenté d’être capitaine d’une équipe de sport ou président d’un club quelconque. Ce n’est que durant mes deux dernières années à l’université que j’ai commencé à saisir l’importance réelle du rôle de chef. Puis, des postes de gestion se sont ouverts assez rapidement pour moi. J’ai été élu au conseil étudiant de l’université, je suis devenu vice-président du club de commerce et j’ai été choisi comme représentant étudiant au sénat universitaire. J’ai également commencé à lire les livres de Peter Drucker, qu’on considère de nos jours comme le « père de la gestion moderne ». Ses livres Managing for Results et The Effective Executive m’ont vraiment marqué. Il semble bien que c’était le début de ma carrière en gestion.
Votre père était un fervent partisan de l’équité, de la collaboration, du travail assidu et de la franchise. Est-ce que son décès alors que vous n’aviez que 21 ans a eu une incidence sur votre carrière et sur votre style de gestion?
Mon frère Tom et moi avons dû grandir vite. Ma mère ne travaillait pas et elle a dû retourner à l’école pendant un certain temps avant de pouvoir trouver un emploi. Alors, Tom et moi avons dû apprendre à travailler fort et à prendre soin de nous-mêmes. Mais, oui, j’ai conservé toutes ces valeurs personnelles qui étaient si chères à mon père. Une chose qui nous a particulièrement frappés, c’est sa foi en l’égalité. Nous vivions près de la frontière canado-américaine, à Windsor, et nous pouvions difficilement ignorer ce qui se passait à Détroit. Nous étions au début des années 60, et le racisme était partout dans cette ville et il a fini par déclencher les terribles émeutes de 1967. Toutefois, lorsque nous étions jeunes, notre père nous disait toujours des choses positives sur l’importance d’accepter les différences des gens. Au fil de ma carrière, je me suis toujours souvenu des paroles de mon père. Lorsque je dirigeais ces grandes entreprises réputées, j’ai toujours imaginé qu’il aurait été fier de voir la belle carrière que je menais. Oh, et comme il était un partisan des Red Wings, j’imagine qu’il aurait été très surpris de voir qu’un jour, je ferais partie de la direction des Maple Leafs!
De tous les dirigeants du monde moderne, qui, d’après vous, est le plus pertinent, le plus inspirant, le plus influent, et pourquoi?
J’ai lu à peu près tous les livres de Jack Welch ou qui parlent de lui; une bonne partie de mes méthodes sont adaptées des siennes. Franklin D. Roosevelt et Churchill sont des personnes qui ont eu de l’influence sur moi quand j’étais jeune, le premier parce qu’il avait des idées manifestement progressistes durant la Grande Dépression et avant la Deuxième Guerre mondiale, et Churchill pour la façon dont il a réussi à rallier l’Angleterre et le monde durant les jours sombres qui ont suivi la chute de la France. Mais, pour être franc, je vois d’excellents exemples de leadership tous les jours, que ce soit les PDG comme Tim Cook, à Apple, ou des gens ordinaires qui font un travail exceptionnel à la tête de leur organisation ou de leur collectivité. Ce serait difficile de ne pas se sentir inspiré par ces gens qui reçoivent rarement la reconnaissance qu’ils méritent pour les choses merveilleuses qu’ils accomplissent.
Noel Tichy, le légendaire consultant en gestion américain, auteur et éducateur, a parlé du fait que les leaders doivent avoir un bon jugement, ou le courage de voir la réalité telle qu’elle est, et de saisir les opportunités qu’elle offre. Êtes-vous d’accord?
J’ai beaucoup aimé le livre de Tichy, The Leadership Engine. Il croit sincèrement que les grands chefs ont des valeurs, des idées, de l’énergie, une perspective qui peut être enseignée et ce qu’il appelle un bon jugement, soit la capacité de prendre une décision difficile au moment opportun. Lorsque j’ai lu son livre, j’ai compris que j’avais suffisamment de jugement lorsque je devais prendre des décisions d’affaires, mais pas lorsqu’il s’agissait de diriger des gens. À MLSE, nous avons commencé à discuter de l’importance de donner des commentaires honnêtes, même si ça peut-être difficile, à nos gens. De nos jours, à peu près tous les dirigeants ont de la difficulté à donner des commentaires honnêtes, alors que les recherches indiquent clairement que c’est ce que les gens souhaitent. J’aimerais pouvoir dire que la direction de MLSE a développé un bon jugement avant que je prenne ma retraite... Nous nous sommes améliorés, oui, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.
Vous mentionnez dans votre nouveau livre le fait que l’admiration vous donne beaucoup plus de pouvoir, en tant que leader, que la peur. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?
Je n’ai aucunement envie de perdre mon temps avec les intimidateurs, les gens qui hurlent sans arrêt et les patrons qui pensent avoir toutes les réponses. Je sais que le titre de président ou de directeur général intimide un grand nombre d’employés et, si on ne s’attaque pas à cette impression, cela peut créer un obstacle important aux commentaires honnêtes, à la créativité et aux idées contraires au sein de l’équipe. Alors, je me suis efforcé de mieux connaître chacun de mes employés, savoir quel était leur rôle, ce sur quoi ils travaillaient, comment ils se portaient, ce genre de choses. Mes employés savaient que j’étais exigeant, mais ils étaient également conscients que je reconnaîtrais la valeur de ce qu’ils avaient accompli. J’ai également consacré deux chapitres, dans mon nouveau livre, à ces sujets, car je crois que ce sont des leçons importantes en gestion : tenir parole et ne pas oublier de dire merci. Je crois que la regrettée poète afro-américaine Maya Angelou l’a dit avec élégance : « J’ai appris que les gens oublieront ce vous avez dit, les gens oublieront ce que vous avez fait, mais ils n’oublieront jamais comment ils se sont sentis en votre présence ».
Saviez-vous dès le début de votre carrière que vous vouliez devenir PDG? Ou est-ce survenu naturellement?
Lorsque j’ai décroché mon diplôme, je voulais seulement avoir un emploi intéressant en marketing. Heureusement, c’est ce qui s’est passé lorsque j’ai commencé à travailler à Colgate. Il y avait beaucoup d’ambitieux, tout le monde voulait obtenir une promotion aussi rapidement que possible... C’est alors que j’ai compris deux choses : la première, c’est que nos dirigeants n’étaient pas particulièrement impressionnants. La deuxième, c’est que je pourrais devenir un bon chef, si je travaillais fort pour y parvenir. Je me suis fixé comme objectif de devenir vice-président avant l’âge de 35 ans. Plus tard, General Foods m’a permis de dépasser mon propre objectif en me nommant vice-président à 29 ans.
Quel conseil personnel ou professionnel donneriez-vous aux gens qui espèrent devenir PDG et siéger à des conseils d’administration?
Faites les arrêts nécessaires : gagnez beaucoup d’expérience, dans divers postes et dans différentes industries. Complétez votre apprentissage professionnel en lisant, et pas seulement des ouvrages d’administration. Lisez des biographies, des livres de fiction, d’humour, d’art, etc. Finalement, n’oubliez pas de donner au suivant.
Votre nom figure au palmarès des meilleurs vendeurs et vous êtes également considéré comme un chef de file en matière de perception du leadership; en outre, vous êtes sur le point de publier votre deuxième livre (le premier étant Dream Job). Quelles sont les facettes les plus intéressantes et les plus désagréables de la vie d’auteur?
J’ai adoré écrire ces deux livres. Et j’ai beaucoup aimé aller sur les campus, dans les entreprises pour parler de ma conception de la gestion. C’était intéressant, inspirant et gratifiant de voir que certaines de mes idées trouvent un écho dans le public. Les choses moins plaisantes? Hé bien, c’est énormément de travail et vous ne gagnez pas beaucoup d’argent à le faire – si vous en gagnez. Je fais souvent des blagues en disant que mon premier emploi était chez Jack Fraser, je vendais des vêtements pour homme pour un salaire d’un dollar l’heure, et c’était le salaire horaire le plus bas que je navais jamais touché... jusqu’à ce que je devienne auteur.
Dans votre nouveau livre, plusieurs chapitres portent des titres accrocheurs et incisifs. Deux des titres qui me viennent en tête sont Packing Your Gym Bag et Get Your Ticket Punched. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?
Tous les ans pendant six ans, j’ai enseigné la gestion à huit différents cadres à haut profil susceptibles d’être promus à MLSE – soit à 48 personnes en tout. C’était un cours de sept mois intitulé « formation d’élite ». J’utilisais l’analogie du sac de gym pendant ce cours. J’essayais de véhiculer l’idée qu’on devrait mettre toutes les leçons apprises en gestion dans notre sac de gym et les sortir lorsque nous en avons besoin. Quant à « Get Your Ticket Punched », ou faire les arrêts nécessaires, cela veut dire qu’on doit chercher à gagner de l’expérience dans différents rôles, car cela nous prépare pour notre emploi de rêve. Dans mon cas, je voulais être président d’une équipe de basketball de la NBA. Pendant 29 ans, j’ai fait les arrêts nécessaires en travaillant dans le domaine des produits de consommation, de la gestion des installations et de la télédiffusion. Ainsi, lorsque les Raptors ont eu besoin d’un nouveau président, j’étais prêt.
Vous mentionnez dans votre nouveau livre que si les gens n’arrivent pas à trouver un mentor, un livre pourrait être un excellent substitut. Le livre Le Prix de l’Excellence a eu une grande incidence sur votre carrière. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet?
Oui, c’est vrai que je n’ai jamais eu de véritable mentor et que je me suis largement fié à des livres pour créer ma propre vision du leadership. Le Prix de l’Excellence est sorti juste au moment où j’occupais mon premier poste de directeur, à Hostess Snack Foods (l’entreprise qui fabrique les croustilles, pas les Twinkies). Après quelques mois, j’ai demandé à mon patron de me donner des conseils en gestion et il m’a répondu « Oh, mais je n’ai rien à t’enseigner. » Ouf! J’étais suffisamment intelligent pour comprendre que c’était faux. Le livre de Peters et Waterman résume neuf principes à suivre si on veut être un excellent dirigeant. Le principe qui parle de l’expérience concrète axée sur la valeur est celui qui a eu le plus grand impact pour moi, car c’est ce qui incarne le mieux l’importance d’avoir une vision claire et des valeurs fondamentales solides. Depuis que j’ai lu ce livre, j’ai dirigé avec succès des entreprises en mettant l’accent sur la vision et les valeurs et en défendant ces principes. Ce n’est pas surprenant, alors, que les deux premiers conseils dans mon livre abordent la vision et les valeurs, ou, comme je les appelle, le « quoi » et le « comment ».
Beaucoup de gens croient que tous les principes originaux en gestion ont été écrits il y a vingt ans et que toutes les nouvelles philosophies dans ce domaine sont simplement la répétition de ce que d’autres ont déjà dit. Qu’en pensez-vous?
Je suis partiellement d’accord avec cette affirmation. En fait, si vous posiez cette question à feu Dale Carnegie, il affirmerait sans doute que tout était déjà terminé il y a 80 ans de ça. Personnellement, je crois qu’il existe trois piliers fondamentaux en gestion : la communication, l’encadrement et la reconnaissance — et, oui, ces principes sont vieux comme le monde. Le problème, c’est que nous sommes tous trop occupés, trop stressés.... Ou nous ne connaissons pas assez bien le rôle de chef. Et puis, qu’est-ce que ça change, si certaines idées sont un peu redondantes et peut-être même recyclées? Si le livre vous permet de réfléchir et de dynamiser votre approche de la gestion, alors c’était une lecture qui en valait la peine.
Dernière question : en quoi les gens se trompent-ils à votre sujet?
Deux choses. Beaucoup pensent que je viens d’un milieu privilégié. Ils seraient sans doute surpris s’ils apprenaient que je viens d’une famille ouvrière, que j’ai grandi dans une petite maison d’après-guerre à Windsor, que j’ai vraiment eu de la difficulté à l’école et que j’étais le tout premier de ma famille à obtenir un diplôme universitaire.
On croit aussi souvent que je suis inaccessible. Mais, si les gens faisaient l’effort de me parler, ils comprendraient rapidement que je suis, au fond, simplement un petit gars de Windsor.