Thierry Vandal sur la relève et une nouvelle pile à haut potentiel
Le journal Les Affaires interviewe Thierry Vandal, chef de la direction sortant d’Hydro-Québec, au sujet de CEO x 1 Jour.
Par: Francois Pouliot
Y a-t-il un problème de relève chez Hydro-Québec, et où sera la société d’État dans 10 ans ?
C’est avec ces deux questions en tête que nous nous sommes présenté il y a quelques jours dans les bureaux de la société d’État, pour une dernière rencontre avec le président Thierry Vandal. Celui-ci quitte ses fonctions le 1er mai.
L’annonce de son départ a fait beaucoup de bruit à l’Assemblée nationale et dans les médias, notamment parce qu’elle suivait de quelques mois le départ de Marie-Josée Nadeau, longtemps perçue comme le numéro deux chez Hydro-Québec. «Il n’y a aucune inquiétude à y avoir pour la relève chez Hydro-Québec», estime M. Vandal.
Il affirme qu’après 10 ans, il est sain pour une organisation de se renouveler. «La situation est bonne. Il y a une paix sociale. C’était un bon moment pour ma sortie. Le gouvernement et Hydro sont sur le point d’amorcer un nouveau plan stratégique, je n’aurais pas pu partir après coup, il faut être en phase avec l’organisation.»
Quant au départ de Mme Nadeau, il explique que depuis quelques années, celle-ci occupait la présidence du Conseil mondial de l’énergie, et que les fréquents déplacements rendus nécessaires par cette nouvelle fonction avaient amené des modifications qui avaient fait évoluer son rôle.
M. Vandal affirme en outre que cette question de la relève en entreprise a toujours été au centre de ses préoccupations. Et pas seulement chez Hydro. Aux côtés d’Alain Brunet (SAQ), d’Yves Desjardins-Siciliano (VIA Rail Canada) et de Charles Guay (Manuvie Québec), il est un des dirigeants qui participent au programme CEO X 1 jour, lancé il y a trois ans par le cabinet Odgers Berndston, qui jumelle des étudiants de troisième et de quatrième année universitaire à de grands patrons d’entreprise au Canada.
«Préparer la relève a été l’une des grandes préoccupations au cours de mes 10 ans de présidence chez Hydro. Lorsque je suis arrivé, on a rapidement constaté que l’on était en présence d’un défi important. On avait une courbe démographique qui suggérait que plus du quart des employés allaient prendre leur retraite sur une période de quatre ou cinq ans. On a cerné les zones les plus à risque, mis des plans d’action en place, et on a réussi à bien renouveler notre effectif», dit-il. Plus loin, il parlera également de programmes de progression mis en oeuvre dans l’organisation pour ses 120 principaux dirigeants.
Le potentiel de développement d’Hydro
Lorsqu’on lui demande où il voit Hydro dans 10 ans, M. Vandal se montre prudent, indiquant qu’il appartiendra à d’autres que lui de déterminer les orientations de la société d’État. Mais il accepte tout de même d’entrouvrir la porte.
Non, le gaz naturel à bas prix (qui influe sur celui de l’électricité) ne vient pas tuer la construction de barrages hydro-électriques au Québec. «C’est chaque fois pareil quand il y a un nouveau projet. Quand il y a eu SM3, Toulnustouc, Péribonka, Eastmain 1 et La Romaine, les gens ont dit, « ça ne peut pas être concurrentiel, ça va être un éléphant blanc, il n’y a pas de place dans le marché », etc. Y a-t-il un projet qui ne s’est pas avéré excellent ?» lance-t-il.
Le président d’Hydro reconnaît que certaines conditions (qu’il ne précise pas) devront être réunies, mais se dit convaincu qu’il y aura d’autres barrages dans l’avenir. Il affirme croire particulièrement au potentiel des innovations qu’a développées la société ces dernières années, parce que «l’avenir industriel et commercial sera à plus forte intensité électrique».
Hydro a signé récemment un contrat avec le partenaire chinois Prestolite Electric Beijing, dans lequel elle a amené la technologie de son moteur électrique TM4. Le consortium a reçu des commandes de fabricants chinois d’autobus pour plus de 350 systèmes de motorisation.
L’avenir : de nouvelles piles
C’est cependant de piles et de stockage d’électricité que M. Vandal parle le plus longuement.
Hydro a récemment conclu une entente en France, dans la région de l’Aquitaine, pour travailler à la mise au point de piles à base de phosphate de fer lithié. Des investissements de près de 700 M$ pourraient être effectués dans le projet, mais par les Français seulement, précise le grand patron. Ceux-ci s’intéressaient particulièrement aux brevets québécois.
Le projet qu’il considère comme le plus important est plutôt mené ici, à Montréal, en collaboration avec Sony. Il consiste à développer la première pile qui aura la capacité d’alimenter des réseaux d’électricité en mégawatts plutôt qu’en kilowatts. Le président note que cette pile permettrait de stocker de l’énergie et de répondre aux pointes de demande, tout en compensant les fluctuations des sources d’électricité intermittentes comme le solaire et l’éolien. «Au fur et à mesure que la Californie et l’Arizona ajoutent du solaire, il y a de l’intermittence. L’idée de stocker [l'électricité] va s’imposer. L’avenir est un avenir plus renouvelable, moins lourd en gaz à effet de serre. C’est à l’échelle mondiale, c’est un marché immense», lance-t-il.
M. Vandal note que les innovations d’Hydro font déjà rentrer quelques dizaines de millions de dollars dans ses coffres (sur des revenus de 3,4 milliards de dollars en 2014). «Est-ce que ça peut devenir une contribution de plus de 100 M$ par an ? Oui. Plus de 1 G$ par an ? Ça, c’est peut-être plus loin dans le temps».