Dans les souliers d’un PDG
De jeunes diplômés ont suivi un grand patron comme une ombre pendant une journée. L’actualité a rencontré quatre PDG qui ont joué le jeu… et profité de l’occasion pour déboulonner quelques mythes à leur sujet.
Marc-André Sabourin 13 octobre 2017
Mikael Clement, 25 ans, ne savait pas trop à quoi s’attendre l’hiver dernier lorsqu’il s’est présenté à la tour de Radio-Canada, à Montréal, pour passer une journée en compagnie du PDG de la société d’État, Hubert T. Lacroix. Pour le guider un peu, il n’avait que les « préjugés qui circulent au sujet des dirigeants en général : stricts, arrogants, égoïstes », dit le diplômé en commerce de l’Université Concordia. L’homme accessible et généreux qui l’a accueilli en souriant dans son bureau a immédiatement relégué cette image peu flatteuse aux oubliettes.
Mikael Clement fait partie de la vingtaine d’étudiants canadiens qui ont suivi un grand patron comme une ombre dans le cadre du concours CEO x 1 Jour, organisé par la société internationale de recrutement Odgers Berndtson. Quatre PDG sur les 20 participants, dont les chemins se croisent rarement, ont rencontré L’actualité en compagnie de leur stagiaire pour faire le bilan de leur expérience. L’entretien s’est rapidement transformé en une séance sans filtre sur la réalité du métier de patron.
Premier constat : aucun de ces gestionnaires de haut niveau n’a manigancé pendant des années pour devenir calife à la place du calife. Nathalie Bondil, du Musée des beaux-arts de Montréal, n’est pas une gestionnaire de formation, mais une historienne de l’art qui a considéré la direction générale lorsqu’elle a compris que « ce titre est un outil pour réaliser des projets ». Annick Guérard, de Transat Tours Canada, a passé sa carrière à relever des défis, jusqu’à ce jour où le seul à sa hauteur a été le sommet de son organisation. Et Hubert T. Lacroix a refusé « à plusieurs reprises avant de mettre [son] nom dans le chapeau » où serait recruté le PDG du diffuseur public.
Le processus de sélection d’un nouveau patron est exigeant, et la possibilité d’arriver deuxième dans cette course au talent est bien réelle. Le plus difficile n’est toutefois pas de décrocher le poste, mais d’en enfiler les chaussures, assure Hubert Bolduc, de Montréal International, un organisme qui tente d’attirer des entreprises et des investissements étrangers dans la métropole. Dans les mois qui ont suivi son arrivée, en 2016, près de 30 % du personnel est parti. « J’ai trouvé ça très difficile, dit Hubert Bolduc. Mais le leadership, ça se pratique. Je suis franchement meilleur aujourd’hui qu’au début de mon mandat. »
Un tel rodéo lorsqu’on prend les rênes d’une organisation est normal, estime Nathalie Bondil. « Ça demande du temps avant que la culture change. » Pour que la magie opère, on doit savoir s’entourer des bonnes personnes. Ce à quoi on parvient en choisissant des gens qui pallient nos faiblesses, dit Annick Guérard, de Transat. « Et il faut les écouter ! »
Justement, les PDG ont su être à l’écoute des participants de CEO x 1 Jour. En tant que membres de la génération du millénaire — dont toutes les entreprises tentent de comprendre les habitudes de consommation —, ces jeunes étaient aussi intéressants pour les dirigeants. Hubert T. Lacroix, par exemple, a sollicité l’opinion de son stagiaire sur un point abordé lors d’une réunion. Le jeune diplômé l’a-t-il fait changer d’idée ? « Je ne sais pas, répond Mikael Clement après une brève hésitation. Mais il a pris beaucoup de notes ! »
L’article a été publiée originalement dans L’actualité sur le 13 octobre 2017.