Étudiants brillants, mais difficiles à garder
Nathalie Francisci d’Odgers Berndtson explique au journal Le Devoir pourquoi les entreprises locales doivent offrir des défis à la nouvelle génération.
Par: Karl Rettino-Parazelli
Nos dirigeants de demain ont une conscience sociale et environnementale plus développée que la plupart des chefs de la direction actuellement en poste. Tournés vers le reste du monde, leurs ambitions n’ont pas de frontières. Le Québec réussira-t-il à les retenir ?
C’est le constat auquel aboutit Nathalie Francisci, associée du bureau montréalais d’Odgers Berndtson, une firme spécialisée dans le recrutement de cadres qui est derrière le programme « Chef de la direction d’un jour ». Ce concours, qui en est à sa troisième édition au Canada, mais qui existe depuis une dizaine d’années dans plusieurs autres pays, permet à des finissants au baccalauréat ou à la maîtrise de suivre un dirigeant établi, le temps d’une journée.
Pour l’édition 2016 du programme, 18 étudiants — dont 3 du Québec — ont été sélectionnés parmi 500 candidatures. Au fil des ans, Mme Francisci a pu comprendre ce qui motive les jeunes qui aspirent à faire carrière dans le monde des affaires.
« Je trouve que nos jeunes, aujourd’hui, sont beaucoup plus conscients de l’importance de s’impliquer, de s’intéresser à ce qui passe à travers le monde. Ils ont une conscience sociale supérieure à celle que les chefs de la direction actuels avaient sûrement à l’époque », affirme-t-elle.
L’« âge de pierre »
Elle constate que leurs racines au Québec ou au Canada sont parfois peu profondes et que leur terrain de jeu, c’est le monde entier.
« On va les perdre. Il faut qu’au Québec, on soit capable de garder ces talents-là et de les intéresser à rester ici, à développer des entreprises ici », dit-elle.
« On a des universités québécoises qui sont très bien cotées à travers le monde, mais il faut qu’on soit capable de garder nos finissants, poursuit-elle. Il faut que les entreprises s’ajustent. Parce que je peux vous dire que ces jeunes-là ont voyagé, ils ont su performer, ils sont ultraconnectés […] et lorsqu’ils en arrivent en entreprise, ils ont l’impression de retourner à l’âge de pierre. Donc il faut qu’on leur donne des projets, des défis. »
Son expérience en recherche de talents lui enseigne également que les dirigeants en devenir ne veulent pas perdre de temps. « Les jeunes ne veulent pas nécessairement attendre pendant dix ans pour avoir une promotion ou un nouveau dossier. Ils veulent avancer rapidement et ils absorbent rapidement. Il faut que les entreprises acceptent de prendre des risques avec ces jeunes talents. Il faut adapter le management et le leadership. »
Même si Nathalie Francisci craint de voir certains talents glisser entre les doigts du Québec, elle se réjouit avant tout de la qualité des candidatures reçues dans le cadre du programme « Chef de la direction d’un jour ».
« Ces jeunes sont brillants, ils parlent plusieurs langues, ils sont impliqués dans leur communauté. Je les trouve absolument extraordinaires », lance-t-elle sans détour.
Les candidats retenus sont allumés, déterminés, mais humbles. « Je trouve que ce sont des qualités essentielles pour devenir de futurs leaders », estime la spécialiste en recherche de talents.